Une nouvelle qui déboussole.
Elizabeth & Candie

Bim, samedi. Le meilleur jour de la semaine. Et en tant qu'aspirante à une certaine popularité, mon emploi du temps se doit d'être chargé pour le week-end. Je dois faire un tour parmi tous les groupes pour imposer ma présence. Sans compter qu'il faut que je cale un déjeuner avec Juliet, mes quatre heures de cours de théâtre et un rendez-vous à l'hôpital, pour mon asthme. Ducoup, je me lève vers neuf heures. Au début c'est un peu dur mais après deux trois claques d'eau froide je me sens revigorée. Et dire qu'il y a déjà deux messages sur mon répondeur pour m'inviter à une fête le soir même ! Je savoure une seconde ce moment. C'est du sérieux Lima, attention. Si il y a deux soirées différents c'est la grande fiesta ! Les grandes villes me manquent terriblement. Je me douche de façon assez bruyante pour réveiller ma soeur au passage en chantant le dernier tube que j'ai entendu. J'adore prendre les douches, c'est génial parce qu'on est assis et on ne fait rien pendant un quart d'heure ou vingt minutes selon la programmation qu'on fait. Je m'habille avec une énergie devenue maladive. J'arrive à courir en descendant les escaliers malgré un jean serré et des talons tous sauf pratiques. Sans oublier de frapper à la porte de la chambre de Caroline pour finir de la réveiller. En bas, j'essaye de sortir discrètement car j'entends de l'activité dans la cuisine. Juste avant de fermer la porte je crie : "Salut Papa bonne journée !", je la referme puis je coure dans l'allée pour que personne n'essaye de m'empêcher de sortir. Je dois aller à l'hôpital à onze heures donc j'ai le temps de faire un truc avant.

Résultat, à onze heures bien pétantes, je débarque à l'hôpital comment dire... soûle. Presque déchirée. C'est peut-être des paysans dans l'Ohio mais ils ne rigolent pas avec la boisson, on peut le dire ! J'avais fait un saut dans un... dans le seul bar branché du coin, où il y avait des gens du lycée. Bon, ça n'allait pas m'arranger mon asthme tout ça. Mais qui s'y intéresse ? Bref, déjà en entrant il me fallut trouver la chaise pour m'asseoir, et puis ça tremblait tout le temps. J'essayais d'attraper le dossier mais il me glissait des doigts sans que je puisse le retenir. Le vieux médecin avait agité sa moustache. A droite. Puis à gauche. Il avait pris ma tête pour me regarder dans les yeux et me dire de revenir demain. Pouah la flemme ! Ducoup, j'avais un trou dans mon emploi du temps, et j'étais totalement euphorique. J'allais bien trouver de quoi m'occuper ici. D'abord, les hôpitaux c'est trop génial ! Il y a des clowns, des manchots et des trisomiques. C'est mon paradis quoi ! Je me creusais les méninges pour trouver ce que mademoiselle Candie pourrait faire pour occuper son temps libre. Sûrement quelque chose de stupide. En tout cas, cela ne vous étonnera pas, mais je trouvais vite.

En essayant de marcher le plus droit possible et de paraître innocente, je cherchais plusieurs minutes la salle de repos des médecins, une idée tordue en tête. Mais je ne compte pas vous gâcher le suspense ! Elle était vide et des blouses étaient pendues au porte-manteau. Trouvééé ! J'en attrapais une au hasard, l'enfilait et sortais discrètement puis consultait enfin l'étiquette. J'étais Johny, un infirmier grand noir et baraqué. Ahah. Seconde étape, trouver des gens à qui faire des farces avec mon déguisement. J'adore me déguiser c'est trop cool, et puis j'ai l'air baraquée pas vrai ? Je trouvais, un peu devant les portes de l'hôpital, une fille blonde visiblement perdue dans ses pensées. Et puis son visage me rappelait quelque chose, peut-être était-elle à McKinley ? Bref, je lui tapotais l'épaule avec un sourire bienveillant, le regard un peu embrumé par l'alcool tout de même. Je ne savais absolument pas ce que je faisais.

- Excusez-moi mademoiselle mais votre médecin vient de me dire qu'il a oublié un détail dans la procédure et que vous devez retourner faire une radio de contrôle.

Il y avait une chose de sûre, c'est que l'alcool ne me réussissais jamais. On dit que le caractère se déculpe sous l'effet de l'ivresse. Ce qui dans mon cas n'était pas hyper flatteur : j'étais plus agaçante, plus impulsive et mes idées étaient encore plus étranges. Avec le recul, je me demandais vraiment à quoi j'avais pu songer, ce que mon cerveau avait pu entortiller pour avoir l'envie de me déguiser en médecin pour traumatiser des malades. C'était du pur sadisme. En plus quelque chose me disait que cette fille ne m'était pas inconnue. En général je reconnais très bien les visages, mais encore une fois mon était m'en empêchait. J'oubliais ce détail pour l'instant et focalisais le peu de mon énergie sur mon jeu déjà très peu fiable.

La fille ne me suivit pas directement en m'expliquant qu'elle n'était pas venue faire des radios. Evidemment, elle ne me croyait pas. Pas étonnant, je ne devais pas non plus avoir une expression confiante. Si je voulais continuer ma connerie jusqu'au bout, il me faudrait son nom, et je ne l'avais pas. Il faudrait que je teste en lui paraissant sincère, et en lui faisant pitié. Le moment pour utiliser mon don de mentir aussi facilement que de parler. Je poussais un long soupir et relâchais mes bras.

- Oh non ne me dites pas ça ! C'est la troisième fois ce matin. Vous voyez j'ai tellement l'esprit ailleurs que je ne trouve jamais les bonnes personnes. Je suis désolée de vous avoir dérangé...

Sur ce je partais d'un mouvement théâtral avec les yeux tristes, presque larmoyants. Normalement, elle devrait me rattraper ou je sais pas. Le petit regard désespéré marche toujours. Et au pire je me rabattrais sur quelqu'un d'autre, j'apercevais déjà une vieille dame un peu perdue qu'il serait drôle d'embobiner.

Encore une fois tout avait marché comme je le souhaitais. A l'instant même où je l'avais prévu, où mes yeux faussement souillés de larmes avaient tourné les talons, j'avais entendu les pas de la jeune fille derrière moi. L'alcool qui enfumait mon esprit me rendait insupportables les bruits de la rue. J'entendais la moindre voiture qui passait au centuple dans mon crâne. Je décidais donc de continuer à marcher jusqu'à l'intérieur de l'hôpital avant de lui parler ou de lui répondre. Et j'eus beau la regarder, je ne me souvins pas de son visage malgré que j'étais persuadée de la connaître. Son nom m'aurait aidé mais je ne le savais pas. Et cette tequila en trop m'empêchait de poser une question par moi-même autant que de marcher droit. Je l'observais agiter ses boucles blondes en tenant ses papiers médicaux.

La fille m'expliqua qu'elle acceptait de me suivre malgré que passer une radio lui soit déconseillé. Je devais vraiment lui avoir fait pitié. Et puis au moment où elle prononça son nom ça me revint. Elizabeth, alias Eli sur ce forum que je fréquente depuis presque deux ans. J'avais vu son visage en photo une fois. Vraiment j'étais sûre qu'il s'agissait d'elle, et elle avait environ le même âge que moi donc c'était plausible. Espérons que ce soit le cas. Je me stoppais soudainement et lui adressais un grand sourire.

- Non ! Eli ! Moi c'est Candie, tu me reconnais ?

J'avais oublié une seconde que je venais de lui faire une farce plutôt nulle, et que je parlais presque comme une droguée en mâchant mes mots. Cela me faisait vraiment chaud au coeur de la voir, et de savoir qu'elle était à Lima. Je n'avais pas discuté énormément discuté avec elle sur internet ces dernières semaines et elle n'était sûrement pas au courant pour mon déménagement. Vu son âge, elle devait être à McKinley, ce serait cool si c'était le cas.