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Les rideaux du théâtre s'était levés. Je me tenais assise, ferme, fixant le fond de la salle, ignorant les centaines de visages penchés sur moi et la goutte de sueur qui déjà perlait sur mon front. Hope était assis en face. Enfin, pas Hope, Lysandre. Sa voix s'éleva dans le silence.
« Qu’y a-t-il, mon amour ? pourquoi votre joue est-elle si pâle ? Par quel hasard les roses se fanent-elles là si vite ? »
Je respirais bruyamment. J'étais pour la première fois sur scène et lui paraissait si alaise, si doux et si talentueux. Je l'enviais depuis toujours.
« Peut-être faute de pluie ; et je pourrais bien en faire tomber par un orage de mes yeux. »
La scène s'enchaîna rapidement, puis les autres, puis la pièce défila à la vitesse de l'éclair. Lui et moi on nageait dans le bonheur, on pouvait une fois le trac passé s'épanouir dans le jeu, et cela devint comme aux répétitions. On se connaissait peu mais on avait cette alchimie artistique qui faisait que notre duo était quasiment parfait.
Il n'y avait que nous, que nos regards se croisant timidement parfois et nos contacts tactiles de personnages. Dans les coulisses, on redevenait de parfaits inconnus. Pourquoi ? Parce que j'étais timide, et qu'il était le tombeur du quartier, parce que j'avais quatorze ans et lui seize, tout simplement on ne vivait pas dans le même monde. On n'avait qu'une attirance, et encore peut-être ne valait-elle qu'à nos scènes amoureuses de Shakespeare. En tout cas je me souviens qu'à sa simple vue mon coeur explosait, même si je le gardais pour moi, et qu'une fois je l'avais vu rougir en me prenant la main.
« Tiens ta promesse, amour. »


On avait en tout trois représentations de Midsummer's night's dream à effectuer, et c'était la dernière, tout dernier acte. J'avais fini mes scènes en tant qu'Hermia depuis longtemps, et Hope venait de terminer les siennes. J'étais dans le noir des backstages en train d'écouter mes camarades réciter les poèmes de Puck et de Titania. Il s'était approché de moi. Je n'y crus pas au début, mais c'était moi qu'il regardait. Lui d'habitude complètement dingue, extraverti et courant dans tous les sens, il avait bafouillé ses mots :
« C'était notre dernière, ouais. La fin de tout ce boulot. T'as... t'as été géniale Candie. Nan vraiment, continue dans cette voie. Moi je dois repartir à la fin du spectacle, pour Singapour. Je reviendrais pas. Je sais qu'on se connaît pas trop et tout mais je voulais juste te dire adieu. »
Pourquoi ? Pourquoi venir me parler maintenant ? C'était ridicule. Et puis, il était si proche de moi que cela me gênait, et je pouvais voir à ses traits qu'il était anxieux, et aussi qu'il ne m'avait pas tout dit. J'avais tenté de blaguer, c'était tout ce dont j'étais capable dans mon état de profonde gêne.
« Il paraît qu'il y a de supers boîtes de nuit en Asie. »
Il avait rit, et le pire c'est que ça avait l'air sincère. Hésitant l'espace d'une seconde, il m'avait prise dans ses bras et avait plaqué ses lèvres contre les miennes. J'ai fermé les yeux et quand je les ai rouverts il était parti. C'était il y a maintenant presque trois ans. Et je ne l'ai plus jamais revu.

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